Un copropriétaire peut agir, par la voie de l’action oblique, pour obtenir la résiliation d'un bail conclu par un autre copropriétaire lorsqu’il est établi que le locataire viole ses obligations contractuelles ainsi que les stipulations du règlement de copropriété.

Cette solution ressort de l’arrêt rendu par la 3ème chambre de la Cour de cassation le 8 avril 2021.

Dans cette affaire, les consorts X avaient donné à bail à la société FMJ Scooter un local commercial, situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, en vue de son utilisation pour l'activité d'achat, vente de cyclomoteurs, réparation de scooters, location de véhicules sans chauffeur et activités connexes.

Par la suite, les consorts Y, propriétaires d'un lot contigu à celui occupé par la société FMJ Scooter, ont assigné les consorts X ainsi que la société FMJ Scooter en résiliation du bail et expulsion de la société FMJ Scooter.

Les demandeurs ont obtenu gain de cause et la société locataire s’est pourvue en cassation en soutenant que :
- un copropriétaire ne peut, sans porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle, agir par voie oblique en résiliation du contrat de bail conclu entre un autre copropriétaire et un preneur ; qu'en faisant droit aux demandes des consorts X la cour d'appel aurait violé l'article 1166 du code civil, 
- à supposer même qu'un copropriétaire puisse agir par voie oblique en résiliation d’un bail  conclu entre un autre copropriétaire et un preneur, c'est à la condition de démontrer la carence de son débiteur de nature à compromettre ses droits.

L’argumentation de la société FMJ Scooter n’a pas emporté la conviction de la Cour de cassation laquelle rejette le pourvoi en énonçant qu’aux termes de l'article 1166 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016) les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.

La Cour de cassation rappelle également que la jurisprudence a déjà jugé que :
- en application de l’article 1166 du code civil, le syndicat de copropriétaires avait, en cas de carence du copropriétaire-bailleur, le droit d'exercer l'action oblique en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevenait aux obligations découlant de celui-ci et que ses agissements, contraires au règlement de copropriété, causaient un préjudice aux autres copropriétaires (3e Civ., 14 novembre 1985, pourvoi n° 84-15.577, Bull. 1985, III, n° 143), 
- le règlement de copropriété ayant la nature d'un contrat, chaque copropriétaire a le droit d'en exiger le respect par les autres (3e Civ., 22 mars 2000, pourvoi n° 98-13.345, Bull. 2000, III, n° 64).

La Cour de cassation en conclut que « tout copropriétaire peut, à l'instar du syndicat des copropriétaires, exercer les droits et actions du copropriétaire-bailleur pour obtenir la résiliation d'un bail lorsque le preneur méconnaît les stipulations du règlement de copropriété contenues dans celui-ci ».

La Cour de cassation confirme donc la décision de la cour d’appel et considère que les consorts X, en leur qualité de copropriétaires, étaient recevables à exercer, en lieu et place des consorts Y, une action oblique en résiliation de bail à l'encontre de la société FMJ Scooter.

En définitive, cet arrêt permet de rappeler que :
- le règlement de copropriété est un contrat dont chaque copropriétaire peut exiger le respect,
- sur le fondement de l'ancien article 1166 du code civil, un copropriétaire peut agir en résiliation d’un bail à l’encontre d’un locataire qui trouble la tranquillité d’un immeuble,
- le copropriétaire devra alors, bien entendu, rapporter la preuve des nuisances subies et des infractions au règlement de copropriété.

Par ailleurs il faut rappeler que par l’effet de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 l’article 1166 est désormais devenu l’article 1341-1 du code civil, lequel énonce : 

 « Lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne ».