Dans un arrêt du 6 mai 2021 (RG : 19/08848), l’appelant, preneur dans un centre commercial arguait, sur le fondement de l’article 1722 du code civil, d’une perte de la chose louée pour tenter d’échapper au paiement des loyers des 1er et 2ème trimestre 2020.

Pour rappel, l’article 1722 du code civil énonce que : 

« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement ».

La cour d’appel de Versailles rejette l’argumentation du preneur aux motifs que : 

« Il n’est pas contesté qu’en l’espèce le bien loué n’est détruit ni partiellement ni totalement ; il n’est pas davantage allégué qu’il souffrirait d’une non-conformité, l’impossibilité d’exploiter du fait de l’état d’urgence sanitaire s’expliquant par l’activité économique qui y est développée et non par les locaux, soit la chose louée en elle-même. L’impossibilité d’exploiter durant l’état d’urgence sanitaire est de plus limitée dans le temps, ce que ne prévoit pas l’article 1722 du code civil, lequel ne saurait être appliqué en l’espèce ».

Ainsi, selon la cour d’appel de Versailles les critères cumulatifs de l’article 1722 ne sont pas réunis.

La cour d’appel rappelle également que la notion de force majeure ne peut pas être invoquée par le preneur puisque cette notion ne s’applique pas aux obligations de paiement d’une somme d’argent.

La cour d’appel rejette enfin l’argument selon lequel le bailleur aurait manqué à son obligation de délivrance en énonçant « qu’aucune exception d’inexécution ne saurait être avancée par le preneur, la délivrance du local par le bailleur n’étant pas contestée, et l’impossibilité d’exploitation étant sans lien avec le local en lui-même ».

En définitive, cet arrêt constitue la première décision motivée qui rejette l’application de l’article 1722 du code civil pour justifier une demande de diminution ou d’exonération du paiement des loyers dus pendant l’état d’urgence sanitaire.

A contrario, dans deux arrêts du 12 mai 2021 la cour d’appel de Paris a considéré que : 

« La destruction de la chose louée peut s'entendre d'une perte matérielle de la chose louée mais également d'une perte juridique, notamment en raison d'une décision administrative et cette perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s'entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l'usage de la chose. Elle peut également n'être que temporaire.
En l'espèce, la société […] a manifestement subi une perte partielle de la chose louée puisqu'elle n'a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative, l'absence de toute faute du bailleur étant indifférente » (CA Paris, 12 mai 2021, 20/16820 et 20/17489).

Ainsi, on constate que les juridictions s’opposent sur la conception de la notion de « chose louée ». 

Certaines l’envisagent exclusivement dans sa conception physique et matérielle alors que d’autres l’envisagent dans une approche juridique et économique.

Il faut donc attendre la position de la Cour de cassation.