Une première décision ordonnant la suspension du paiement des loyers en raison de la crise sanitaire et des mesures de confinement a été rendue le 21 janvier 2021 par le Président du Tribunal judiciaire de Paris statuant en référé. 


1. Sur les faits de l’espèce 


Un locataire, restaurateur, a demandé à son bailleur de négocier le paiement du terme du deuxième trimestre 2020 en évoquant la fermeture administrative de ses restaurants entre le 15 mars et le 22 juin 2020. 


Le bailleur n’a jamais répondu à cette demande de négociation et a mis en demeure son locataire de régler le loyer du deuxième trimestre 2020. 


Le locataire a alors saisi le Président du Tribunal judiciaire de Paris pour obtenir, à titre principal, l’annulation des loyers correspondant aux périodes de confinement et à titre subsidiaire leur suspension.


2. Sur les arguments des parties 


Le locataire fondait ses demandes, d’une part, sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance (la fermeture administrative empêchant le locataire de jouir des lieux loués) et d’autre part, sur la perte de la chose louée.


En réponse, le bailleur soutenait qu’aucun texte pris en application de l’état d’urgence sanitaire ne permettait d’annuler les loyers échus, que l’exception d’inexécution ne pouvait pas être invoquée puisque le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance, la fermeture administrative des restaurants ne lui étant pas imputable, et que la force majeure (qui n’est pas admise pour les obligations de paiement de somme d’argent) ou l’imprévision (qui permet seulement la renégociation du contrat) ne pouvaient conduire à l’exonération des loyers.


3. Sur la décision du 21 janvier 2021


Sur la demande d’annulation des loyers le Président du Tribunal a considéré qu’il n’était pas compétent pour se prononcer sur cette demande, dont l’examen relève du juge du fond.


Toutefois, le Président du Tribunal a considéré que conformément à l’article 1104 du Code Civil, les contrats devaient être exécutés de bonne foi, « ce dont il s’ensuit que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives ».


En l’espèce, le Président du Tribunal a relevé :

- que le bailleur avait refusé toute discussion avec son locataire et notamment qu’il n’avait jamais répondu à la proposition du locataire de négocier un échelonnement de la dette. Le Président du Tribunal a alors considéré que l’attitude du bailleur plaçait le locataire « dans une situation délicate dès lors que la situation d’urgence sanitaire la met en difficulté pour faire face aux échéances de loyer du bail, appliquées sans révision ni aménagement par le bailleur ».,

- que le locataire caractérisait suffisamment le dommage imminent face auquel il se trouvait (cessation des paiements, perte de son fonds de commerce et des investissements réalisés) par suite du refus de son bailleur de négocier et d’adapter les dispositions du bail à la situation de fermeture administrative de son restaurant et de dégradation de l’environnement économique, alors même que l’exigence de bonne foi s’impose aux parties


Ainsi en considérant :


- que les arguments et moyens soulevés par le locataire étaient pertinents pour obtenir une révision de ses obligations contractuelles devant le juge du fond., 

- que la demande du locataire n’était pas dilatoire puisqu’il ne sollicitait la suspension ou l’annulation que des loyers correspondant aux deux périodes de confinement et de fermeture des restaurants mais qu’il avait bien réglé le loyer du troisième trimestre 2020 et le loyer du mois d’octobre 2020,


le Président du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné la suspension des loyers dus par le locataire à son bailleur pour la période de fermeture administrative du 15 mars 2020 au 22 juin 2020 et pour celle du 30 octobre 2020 s’achevant à la date de réouverture de son restaurant, jusqu’à ce que les parties trouvent un accord amiable sur les modalités de paiement de ces loyers ou, à défaut, jusqu’à ce que le juge du fond.


Cette décision est fondée sur l’article 835 alinéa 1er du code de procédure qui permet au juge des référés de prendre toutes les mesures conservatoires de nature à prévenir un dommage imminent. 


En l’espèce, le Président du Tribunal a considéré qu’il existait un dommage imminent en la possibilité pour le locataire tomber en situation de cessation des paiements. Ainsi, à titre de mesure conservatoire pour prévenir la réalisation de ce dommage, le Président a donc ordonné la suspension du paiement des loyers.



4. Sur la portée de la décision


La question de l’annulation des loyers correspondant aux périodes de confinement n’est donc pas tranchée et il faut attendre qu’une juridiction se prononce au fond. 


Toutefois dans cette attente, cette décision permet aux locataires impactés par les mesures gouvernementales d’obtenir la suspension du paiement des loyers.



*TJ Paris, 21 janvier 2021, n°20/58571