Cass. 3e civ., 5 nov. 2020, n° 19-18.284, P+B+I

1. Contexte :

La Commune de Lille a fait procéder à l’extension de l’Hôtel de ville et à la construction de deux immeubles à usage de bureaux. 

Au titre de cette opération : 
- La commune a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès d’Axa France,
- Les travaux de gros-œuvres ont été confiés à la société Quillery, laquelle a sous-traité les lots de maçonnerie à 2 sociétés assurées auprès de la SMABTP.

Les travaux ont été réceptionnés le 17 juin 1994. 

Des désordres étant apparus après la réception sur les façades de l’Hôtel de ville (dégradations du parement en briques), la Commune a assigné Axa France en indemnisation de ses préjudices. 

Plusieurs expertises ont été ordonnées, et Axa France a appelé en garantie la SMABTP, assureur des sous-traitants par acte du 15 janvier 2014.

Le 2 avril 2015, la Commune et la société Axa France ont conclu une transaction. 


2. Décision de la cour d’appel de Douai :

La cour d’appel de Douai a rejeté l’action de la société Axa France contre la SMABTP en retenant que la Commune n’avait formé aucune action à l’encontre des sous-traitants ou de la SMABTP et qu’à la date de la transaction, n’ayant plus d’action à l’encontre de ceux-ci, la Commune n’avait pu transmettre aucune action à l’encontre des sous-traitants et de leur assureur à Axa France.


3. Pourvoi et arrêt de la Cour de cassation :

La société Axa France se pourvoit en cassation en soutenant « qu’est recevable l’action engagée par l’assureur avant l’expiration du délai de forclusion décennale, bien qu’il n’ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n’ait statué ».

Axa France fait ainsi valoir que, dès lors qu’elle a indemnisé la Commune, elle est subrogée dans les droits et actions de cette dernière de sorte que son action contre la SMABTP était recevable. 
 
Dans l’arrêt du 5 novembre 2020, la Cour de cassation rappelle tout d'abord que : 
- L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de (article L. 121-12 du code de assurance),
- La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion (article 2241 du code civil),
- La prescription des actions en responsabilité civile extracontractuelle est de dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation (article 2270-1 du code civil). 

La Cour de cassation casse ensuite l’arrêt de la cour d’appel de Douai en lui reprochant de ne pas avoir rechercher « si la société Axa France n’avait pas été subrogée par le maître de l’ouvrage avant qu’elle ne statue ». 

La solution de la Cour de cassation n’est pas surprenante et permet de rappeler la solution déjà établie selon laquelle : la qualité de « subrogé dans les droits de l’assuré » doit être appréciée au jour où le juge statue et non au jour où l’assignation a été délivrée.