Cass., 3ème civ., 22 octobre 2020, n°19-20443

L’article L.145-5 du comme de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui dispose que : 

« Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ».

La société de La Cadène a consenti, le 1er juin 2013, à Monsieur X un bail dérogatoire pour une durée de vingt-quatre mois. 

A la date de ce bail (1er juin 2013) Monsieur X occupait déjà les lieux et avait renoncé à se prévaloir du droit au statut des baux commerciaux.

Le 1er juin 2015, les parties ont conclu un nouveau bail dérogatoire pour une durée d’un an expirant le 31 mai 2016.

A l’issu de ce bail Monsieur X a revendiqué le bénéfice du statut des baux commerciaux.

La société La Cadène, quant à elle, a dénié la propriété commerciale à Monsieur X et l’a assigné aux fins d’expulsion.

La cour d’appel de Bordeaux a fait droit aux demandes de la bailleresse en considérant qu’aucun bail commercial ne s’était formé et que le locataire était donc occupant sans droit ni titre. 

La cour d’appel a ainsi relevé que : 

- Le preneur avait régulièrement renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux lors de la conclusion des différents baux dérogatoires, 
- la loi du 18 juin 2014 n’avait pas d’effet rétroactif.

Elle a alors jugé que :
- La loi du 18 juin 2014 n’ayant pas d’effet rétroactif, il ne pouvait pas être pris en compte l’occupation réelle des lieux avant le 1er juin 2013, 
- La durée cumulée du bail du 1er juin 2013 avec celui du 1er juin 2015 était  de 36 mois, soit la durée maximale désormais autorisée par la loi du 18 juin 2014,
- En conséquence, la durée des baux n’ayant pas excédée 36 mois, le locataire ne pouvait pas revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux.

L’arrêt de la cour d’appel est cassé par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation en ces termes (pourvoi n°19-20443) : 

« pour pouvoir déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, le bail conclu le 1er juin 2015, postérieurement à l’entrée en vigueur du nouvel article L. 145-5 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014, devait répondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d’effet du premier bail dérogatoire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Ainsi, la durée maximale de 36 mois que ne peuvent excéder des baux dérogatoires doit être calculée au regard de tous les baux dérogatoires conclus pour l’exploitation d’un même fonds dans des mêmes locaux. 

En l’espèce, Monsieur X a exploité son fonds de commerce dans les locaux de la société La Cadène pendant plus de 36 mois.

Il a donc droit à la propriété commerciale et un bail commercial s’est automatiquement formé à l’issue des baux dérogatoires et ce, peu important que Monsieur X ait renoncé au statut des baux commerciaux lors de la conclusion des baux dérogatoires successifs.