Cass. 3ème civ, 22 octobre 2020, n°19-19542

Un bail commercial a été conclu entre les sociétés Aeroville et C&A France sur des locaux à usage commercial pour une durée de 10 ans. Le bail comportait une clause résolutoire stipulée « si bon semble au bailleur ».

Le locataire ne réglant pas régulièrement ses loyers, le bailleur lui a fait délivrer un commandement de payer puis l’a assigné en référé en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.

Par ordonnance du 27 novembre 2015, le juge des référés a : 
- Condamné le locataire au paiement d’une provision,
- Suspendu les effets de la clause résolutoire,
- Accordé au locataire des délais de paiement.

Le locataire n’a pas respecté l’échéancier fixé par le juge puis a informé son bailleur, en janvier 2016, qu’il « prenait acte » de la résiliation du bail et qu’il allait quitter les lieux. 

Le bailleur a répondu au locataire qu’il renonçait à se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire et l’a assigné en exécution forcée du bail. 

La cour d’appel a fait droit aux demandes du bailleur en considérant que :
- Le bailleur pouvait renoncer à l’acquisition de la clause résolutoire (dès lors le bail ne serait pas résilié), 
- Le fait que le bailleur ait fait signifier l’ordonnance de référé pour faire courir les délais de paiement, ne manifestait pas son intention de poursuivre l’acquisition de la clause résolutoire,
- La clause résolutoire étant stipulée au seul bénéfice du bailleur, le locataire ne pouvait pas s’en prévaloir ni se prévaloir de son propre comportement (le locataire n’a pas respecté l’échéancier fixé par le juge) pour considérer que le bail serait résilié. 

Le locataire a formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel en considérant que l’acquisition de la clause résolutoire mettait irrévocablement fin au bail commercial de sorte que le bailleur ne pouvait pas, en cas de non-respect par le locataire des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause résolutoire, demander unilatéralement l’exécution du bail résilié.

La décision de la Cour de cassation est logique. 

En effet, l’acquisition de la clause résolutoire est automatique lorsque le locataire ne règle pas les loyers impayés dans le délai d’un mois à compter du commandement de payer.

Le recours au juge ne sert qu’à obtenir une décision de justice qui constate que le bail est résilié. Cette décision permettra ensuite au bailleur de procéder à l’expulsion du locataire.

Ainsi, si la procédure a été régulièrement mise en œuvre, le juge ne peut que constater que la clause résolutoire est acquise. 

Le juge peut toutefois suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder des délais au locataire. Ce système permet de reporter la date d’acquisition de la clause résolutoire (qui en principe se situe un mois après la date du commandement de payer) à la fin des délais accordés par le juge.

Deux hypothèses se présentent alors : 
- Soit le locataire respecte l’échéancier et on considérera alors que la clause résolutoire n’a pas joué. Le bail se poursuit.
- Soit le locataire ne respecte pas les termes de l’échéancier (une seule défaillance suffit) et la clause résolutoire sera définitivement acquise et par conséquence le bail résilié.

Dans les faits de l’arrêt commenté, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer. Le locataire n’ayant pas réglé les causes du commandement, le bail a automatiquement pris fin un mois après la date de signification de ce commandement.

Le bailleur a ensuite assigné le locataire devant le juge des référés en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.

Classiquement, le juge des référés a constaté l’acquisition de la clause résolutoire mais a suspendu ses effets et accordé des délais de paiement au locataire. 

Or, le locataire n’ayant pas respecté l’échéancier fixé par le juge, les délais de paiement sont devenus caducs et le bail s’est trouvé résilié.

Le bailleur ne pouvait donc pas, par la suite, en imposer l’exécution ou solliciter du juge qu’il ordonne l’exécution d’un bail pourtant résilié.